De La Havane au Palais de Chaillot : aux origines de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
L’année 1940 est une année sombre pour l’Europe. La Seconde Guerre mondiale bat son plein : nombre de pays sont plongés dans l’incertitude, occupés ou menacés, et les communications internationales sont difficiles. C’est dans ce contexte tendu que la 31ème convention annuelle du Rotary International se tient, du 6 au 10 juin à La Havane. De nombreux Rotariens européens, empêchés par les hostilités et les fermetures de frontières, ne peuvent y assister.
Au cœur de cette convention hors du commun naît la célèbre Résolution 40-15, « Rotary amid world conflict ». Évoquant la guerre qui sévit déjà dans un tiers des pays où le Rotary International est implanté, le Conseil d’Administration y rappelle que l’organisation, fondée sur l’idéal de service, « ne peut survivre là où la liberté, la justice, la vérité, la valeur de la parole donnée et le respect des droits de l’homme n’existent pas« . C’est cet extrait que l’on trouve le plus souvent mentionné quand on se documente sur l’origine de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Le texte entier de cette résolution est publié dans l’ouvrage « Proceedings of the Thirty-First Annual Rotary Convention« .
Ces livres d’environ 400 pages proposaient chaque année depuis 1910 un compte-rendu complet des prises de parole majeures, des discours divers, mais aussi des délibérations du Conseil de Législation. Leur publication s’est interrompue dans les années 70.
C’est dans cet ouvrage, issu de ma collection personnelle, que j’ai pu trouver le texte complet. Je l’ai transcrit ci-dessous dans son entièreté, et vous propose également une traduction en français.
Aujourd’hui, les comptes-rendus de conventions internationales sont consignées dans les archives du Rotary, mis en ligne sur son site web (ici) et des vidéos sont publiées sur les réseaux sociaux.
Ce texte engagé condamne toute atteinte aux principes universels et appelle chaque Rotarien à les défendre sans relâche, dans l’espoir d’un monde où la guerre cesserait d’être un instrument de règlement des différends. La Résolution 40-15 va marquer l’histoire et deviendra un socle éthique précurseur de la future Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) adoptée en 1948.
C’est précisément dans ce contexte que s’illustre René Cassin, juriste et Rotarien français, professeur de droit et militant pacifiste, il est membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Né en 1887 à Bayonne, c’est un vétéran de la Première Guerre Mondiale.
Il est membre fondateur du Rotary Club de Lille en 1927, puis membre du club de Paris à partir de 1931. René Cassin incarne l’esprit rotarien. Démontrant une grande ouverture internationale, il milite dès les années 20 pour le rapprochement entre la France et l’Allemagne. Il est aussi très engagé pour la cause des anciens combattants.
Après la Seconde Guerre Mondiale, il rejoint la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, et devient l’un des principaux rédacteurs de la DUDH, donnant à ce texte fondateur sa structure, sa cohérence philosophique et sa portée universelle.
Il sera lauréat en 1968 du Prix Nobel de la Paix ainsi que du Prix des Droits de l’Homme des Nations Unies. Son engagement continuera au sein d’autres institutions telles que le Conseil Constitutionnel ou le Conseil de l’Europe, et il sera Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Le 10 décembre 1948, les 48 États membres des Nations Unies présents à l’Assemblée générale signent le texte au Palais de Chaillot, à Paris, dans une atmosphère solennelle.
C’est a René Cassin qu’est confiée la responsabilité de présenter le document à l’Assemblée.
Le lien entre la résolution 40-15 de La Havane et la Déclaration universelle des droits de l’homme est aujourd’hui bien établi. La formulation et l’esprit du texte du Rotary ont directement inspiré les rédacteurs de la DUDH .
La notion de « droits de l’homme », encore rare à l’époque, se diffuse parmi les juristes et décideurs internationaux grâce à l’engagement de personnalités comme René Cassin. Ainsi, tandis que les Rotariens regrettaient les absents de la Convention Internationale de 1940, ils initiaient, dans l’adversité, les textes qui façonneraient le monde d’après-guerre. La Résolution 40-15 demeure un jalon essentiel : une déclaration de principe, un cri contre la guerre, et un modèle dont la portée se prolonge jusqu’à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et bien au-delà.
Auteur de l’article : Pierre-Marie Achart Rotary Paris Agora (2025)
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Bibliographie : Rotary.org, convention.rotary.org, Blog de Serge Gouteyron, Rotary Global History Fellowship, Académie des sciences morales et politiques, Rotary-Ribi.org, rotarygbi.org, Memorial-Rotary.de, UN.org, unfoundation.org, nobelprize.org, britannica.org, delegfrance.org, ordredelaliberation.fr